L’association lorraine de musique de chambre avait annoncé que ce concert allait plaire. Le moins, que l’on puisse dire est que la fête a été complète grâce au talent des interprètes et à ce magnifique écrin, qui leur a été offert pour les recevoir, ce lundi 7 novembre.
Une salle comble pour un "Carnaval des animaux" revisité (Photo Alain Reynders)
Les 700 places de la salle Poirel, occupées par un public connaisseur
La Salle Victor Poirel, située au coeur de la ville de Nancy, a tout pour plaire. Construit en 1889, c’est dans ce magnifique bâtiment que l’association « École de Nancy » a été créée en 1901. Un édifice nancéen qui sert toujours la culture en se dévoilant, régulièrement, aux amateurs. Comment ne pas apprécier l’architecture de cette salle réalisée à l’image d’un théâtre à l’italienne, présentant en plafond ce magnifique vitrail de Charles Champigneulle qui fait lever les yeux des mélomanes.
La partie supérieure de la salle Poirel et son vitrail de Charles Champigneul (Photo Alain Reynders)
La salle a aussi bénéficié, dès sa conception, d’une formidable acoustique qui transmet les sons avec fidelité et précision. D’ailleurs, la pianiste Naïri Badal a déclaré lors des répétitions : « Laissez-moi apprécier la magnifique acoustique de cette belle salle » avant de lancer une nouvelle envolée de notes savoureuses.
Naïra Badal a testé la belle acoustique de la salle (Photo Alain Reynders)
Les deux virtuoses lors des répétitions de fin d'après-midi (Photos Alain Reynders)
Durant ces répétitions, le bureau de l’ALMC a été sur le pont, une dernière fois, pour contrôler les moindres détails. L’occasion de s’entretenir avec Philippe Fosseux le président, son trésorier/vice-président Jean-Marie Cordier qui ont été accompagnés de Ghislaine Dalhmann-Richard, leur pétillante et efficace chargée de communication.
« Nous sommes heureux de pouvoir proposer un tel éventail d’artistes sur une période de quelques semaines. La salle est remplie. Toutes les places vendables sont occupées. Nous en sommes ravis, d’autant que cela entend un investissement important. Et l’ALMC a bien l’intention de continuer à proposer des spectacles de qualité » a précisé le président, soutenu dans ses propos par les autres membres du bureau.
Le duo Jatekok a sublimé la scène.
Les jeunes femmes sont arrivées sur scène sans artifices particuliers. Elles ont été « elles », au naturel : sincères, passionnées, souriantes, malicieuses, humbles. Pourtant, rappelons-le, Adelaïde Panaget et Naïri Badal sont des virtuoses reconnues, régulièrement primées et sont, probablement, ce que l’on fait de mieux dans cette catégorie de pianistes. Leur complicité, rigueur, spontanéité et passion ont tout pour conquérir un public même des plus exigeants.
Naïra Badal et Adélaïde Panaget : le duo de pianos "Jatekok" (Photo Xavier Aliot)
Une belle complicité avec un jongleur de mots : Alex Vizorek
Identique à lui-même, sympathique, disponible et blagueur, Alex nous a accordé la faveur d’une interview d’avant-concert, dans laquelle il a confié :
« Le Carnaval des animaux a permis de laisser une part à l’imagination quant aux textes à y insérer. L’idée est née auprès de ce duo de pianistes talentueuses. L’éditeur a souhaité, pour célébrer les 100 ans de la mort de Saint-Saëns, créer une version différente. Il nous a mis en contact et nous avons accordé nos…pianos. Nous avons proposé une version, somme toute ludique, qui a été très vite adoptée par les plus jeunes. Certains d’entre eux, nous ont même surpris en devinant aux premières notes, quels animaux nous allions évoquer.
On a voulu une interprétation plus orientée vers les plus jeunes, puisque la « version culte », réalisée par Francis Blanche, a été, elle, orientée vers un public plus adulte. »
Alex Vizorek : un conteur qui a conquis le public de la Salle Poirel (crédit photo : Christine Coquilleau)
Lorsqu’on lui a demandé si cette mouture a été compliquée à composer, il nous a répondu en souriant :
« Ben pour le coup, j’ai été un peu cloche en demandant à l’éditeur si le texte devait être en rime. Si je n’avais rien demandé, je ne me serais pas entendu répondre : « Évidemment, ce serait mieux ». Voici comment et pourquoi je me suis mis en quête d’Alexandrins et que j’ai dû (un peu) me torturer les méninges.»
Une première partie plus classique pour une savante "mise en appétit"
En organisateur bien rompu à l’exercice, le président de l’ALMC a souhaité la bienvenue à chacun et a espéré que le spectacle plairait à tous. Il n’a pas pris de grands risques tant les artistes ont donné tout pour le public nancéien parmi lequel on a dénombré nombre de Vosgiens.
La première partie a été Introduite par un Alex Vizorek toujours aussi drôle, fin et habile dans la pratique du calembour. Le début de la représentation a été lancé sur le thème des relations houleuses entre Claude Debussy et Camille Saint-Saens. « On pourrait comparer ces relations à celles entre Kaaris et Booba, mais au 19e siècle... » a précisé le comédien. Le ton était donné...
Les premières notes de la soirée ont été jouées par Naïri Badal suivie par son amie Adélaïde. Le récital a débuté de belle manière.
Cet intermède a été poursuivi par la « Danse macabre » inspirée par un poème de Henri Cosalis et jouée, avec maestria par les deux virtuoses. Ensemble elles ont interprété, en utilisant, avec à-propos, les sons et le jeu complice qui les lient (Jatekok signifiant d’ailleurs « jeux » en hongrois) , le violon désaccordé, le coq qui chante…
Entre les partitions Alex Vizorek, en conteur et « Monsieur Loyal », y a rajouté ses touches d’humour et explications souvent savoureuses.
(Photo Alain Reynders)
Un morceau de l’opéra de Carmen a d’abord été présenté par le trublion qui a précisé que ce chef d’œuvre a été inspiré par une nouvelle de Prosper Mérimé dont l’épigraphe est une citation du poète grec Palladas « Toute femme est amère comme le fiel, mais elle a deux bonnes heures, une au lit, l'autre à sa mort. »
« Apparemment, à l’époque, l’hashtag Metoo n’était pas la principale préoccupation » a-t-il rappelé avant de laisser la place à la musique jouée tantôt à 4 mains, tantôt à deux pianos et qui a conduit le public jusqu’à l’entracte.
Un spectacle réussi de bout en bout
Après une courte pause, les trois comparses ont réinvesti la scène. Alex Vizorek a rappelé que le Carnaval des animaux a été composé en 1886 par Camille Saint-Saëns pour faire rire tout en pastichant les animaux qu'il avait choisi. À deux reprises, le « Carnaval des animaux » a été joué avant d’être interdit et puis, finalement, réinterprété après la mort de l’auteur.
Le moins, que l’on puisse dire est que la poésie contemporaine revisitée par le "Maitre des mots" a fait mouche auprès des spectateurs. Les petites touches d’humour et présentations fines en miroir pour lancer les complices musiciennes ont amusé, conquis, happé le public.
Les animaux décrits par le conteur ont été traduits en musique en débutant par une marche royale pour un lion, roi de la savane.
« Les pianos nous embarquent, imitant de leurs cordes, notre monarque » a-t-il envoyé pour donner le coup d'envoi à la farandole de notes. Le lion a été suivi par le kangourou, agile, sautillant et virevoltant sur les noires et les blanches effleurées par les mains expertes des virtuoses. L’éléphant, lui, a martelé les touches, comme il aurait pu le faire sur les terres orangées de ses régions naturelles. Bref un récital de sons, de zoologie, de poésie, de musicalité et surtout un festival de talents….
Plusieurs saluts au public qui a ovationné les 3 artistes (Photo Alain Reynders)
Les pianistes ont tout lâché, ont jonglé avec les claviers tout en s’envoyant des regards complices, des communications visuelles, sous l’œil amusé du narrateur, témoin privilégié de ce carnaval fou, où seules les bêtes font la fête sans l’intervention humaine. Un réel moment de plaisir qui a emporté le public dans une longue salve d’applaudissements, récompense ultime pour les trois artistes qui ont réussi à les enchanter de bout en bout.
Une séance de dédicaces sympathique et proche du public (Photo Alain Reynders)
Naïra Badal, Alex Vizorek et Adelaïde Panaget, le trio de la soirée (Photo Alain Reynders)
Et comme pour prolonger ce sentiment de plénitude, les artistes se sont livrés avec une grande gentillesse et une belle disponibilité à une séance de dédicaces, avant de se retirer délicatement pour un repos bien mérité. Une petite mention et clin d’œil à la voix d'Adélaïde qui aura apprécié le doux miel déniché par Ghislaine, l'efficace attachée de communication, de l'ALMC.
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Alain Reynders
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