Épinal - "TKT", un film-choc pour sensibiliser au harcèlement scolaire

Le festival "Épinal fait son cinéma" a prévu l''avant-première du film Belge TKT (T'inquiète.). Un métrage qui secoue, bouscule et met le spectateur face aux réalités vécues par nombre de jeunes.

Solange Cicurel a répondu aux questions des spectateurs en présence de Guillaume Poulet, directeur général d'Imagest

TKT, à travers la noirceur du harcèlement

Sorti le 9 octobre 2024 en Belgique, TKT est un long-métrage réalisé par Solange Cicurel qui s'est attaqué avec finesse et détails à la question du harcèlement scolaire. Inspiré du livre Tout ira bien d'Elena Tenace, ce film met en lumière les mécanismes insidieux de la violence sociale que subissent de nombreux adolescents. Grâce à un scénario poignant et une mise en scène titillant le genre-fantastique, il a invité les spectateurs à une réflexion essentielle sur les responsabilités collectives face à ce fléau.

Un synopsis captivant

Emma, 16 ans, est admise en soins intensifs après une tentative de suicide. Bien qu'inconsciente, son esprit demeure alerte. Telle une détective spectrale, elle tente de reconstituer les événements qui l'ont menée à cet instant tragique. Son entité, observe, sans pouvoir interférer, la scène d’elle-même couchée et entubée dans une chambre d’hôpital avec ses parents en pleurs à son chevet. Mais elle ne peut pas rentrer en contact avec eux. Emma ne se souvient de rien. Elle va enquêter, par « touchers » sur ce qu’il s’est passé ensuivant ses camarades et sa famille Loin d'être une simple victime isolée, Emma était une adolescente ordinaire, entourée d'amis et d'une famille aimante. Pourtant, elle a été la cible d'un harcèlement progressif et insidieux.

Le récit démontre avec justesse que le harcèlement ne repose pas sur une action unique, mais sur une succession de petites humiliations qui finissent par détruire l'estime de soi. Le film déconstruit l'idée que le harcèlement est le fait d'une seule personne : il s'agit d'un processus collectif, où chacun a un rôle à jouer, parfois sans en avoir pleinement conscience.

Un film d'utilité publique

TKT révèle un aspect fondamental du harcèlement : la responsabilité diffuse et collective. Dans un monde où les réseaux sociaux amplifient les brimades et offrent aux harceleurs une plateforme permanente, la souffrance des victimes devient incessante. Le film illustre comment une simple blague peut se transformer en un engrenage infernal, menant au "revenge porn" ou à des agressions plus graves.

Mais au-delà du constat accablant, le film ouvre des perspectives d'espoir. Il montre qu'il est possible d'agir : ne pas rire aux dépens d'un camarade, refuser de relayer une rumeur, oser dire "stop". Il démontre également l’importance du soutien parental et du rôle crucial des adultes dans la prévention et la prise en charge des victimes.

La mise en scène, subtile et réaliste, donne au film une portée universelle. Sans sombrer dans le pathos, la réalisatrice parvient à retranscrire avec justesse la spirale du harcèlement, tout en offrant un regard lucide sur les solutions possibles.

Une projection qui a secoué

Lors de sa présentation en avant-première française au festival "Épinal fait son cinéma", TKT a suscité des échanges riches et émouvants avec les spectateurs. Le silence qui a accompagné le visionnage, brisé seulement par quelques réactions à des scènes marquantes, a témoigné de la force du message distillé.

La réalisatrice Solange Cicurel, présente lors de cette projection, a partagé son espoir : "Le film permet de libérer la parole. Des jeunes se lèvent et témoignent, qu'ils soient victimes, témoins ou même auteurs. Il faut leur donner des solutions, leur faire comprendre qu'ils ont le pouvoir de changer les choses".

Solange Cicurel, la réalisatrice de TKT

En savoir un peu plus avec la réalisatrice :

AV - Où ont été tournées les phases principales du métrage ?

Solange Cicurel - A Bruxelles, dans le quartier du Sablon ; un peu à Uccle ainsi qu’à Saint-Gilles. Le lycée existe aussi en tant que tel au Sablon. (lycée Henriette Dachsbeck)

AV - Le film a bénéficié d’aides quant à son financement ?

Solange Cicurel - Oui, heureusement. Il y a eu des subventions d’état. Le métrage a nécessité 23 jours de tournage pour un budget de +- 2 millions d’euros ?

AV - Pour le casting vous bénéficiez de la présence de stars comme Émilie Dequenne, Stéphane De Groodt, mais aussi de jeunes découvertes…

Solange Cicurel - Effectivement. Pour Émilie, je ne m’étendrais pas sur le sujet. Sa disparition m’affecte beaucoup. Nous étions devenues amies… Ce que le public, ne sait pas forcément, est que « TKT » est le dernier film qu’elle a tourné.

AV - Et pour Stéphane De Groodt dans le rôle du père ?

Solange Cicurel – Il est magistral dans ces rôles à contre-emploi. Je l’avais vu dans le film « Le jeu » où il interprétait le rôle du « papa-poule ». C’est lui que j’espérais pour le papa dans TKT.

AV - Quant à la jeune Lanna, c’est vraiment une découverte ?

Solange Cicurel – Aaah Lanna… En fait, nous avons réalisé le casting avec 60 jeunes. Ma fille connaissait Lanna et elle m’a dit « Ce rôle, irait si bien à Lanna. Ton personnage principal, c’est Lanna ». Nous avons donc procédé au casting et elle s’est révélée à nous par son naturel. En plus, je trouve qu’elle la petite bouille de Sophie Marceau à ses débuts, non ?

AV - Votre fille vous a conseillé pour certains passages ?

Solange Cicurel - Ah oui, clairement ! Ma fille Nina, qui a 20 ans, m’a recadrée sur certaines scènes qu’elle trouvait trop douces, trop édulcorées par rapport à la « réalité du terrain ». Donc, le film est aussi créé à partir d’un regard sans concession et je crois qu’il est à l’image de la jeunesse actuelle. D’ailleurs de nombreux ados belges (TKT n’est pas encore distribué en France.) m’ont confirmé y retrouver nombre de leurs codes ou de situations qui leur sont familières.

AV - Les réseaux sociaux sont-ils des vecteurs de cette violence, parce que l’on peut parler de violence lorsqu’il s’agit de harcèlement ?

Solange Cicurel - On peut dire que les harcèlements perdurent en dehors du milieu scolaire, grâce aux réseaux qui sont accessibles 24h/24. Mais ils ne sont pas les seules raisons. Les jeunes eux-mêmes sont les premiers à créer des catégories et toutes les générations ont connu cela. Mais il est vrai que les réseaux servent d’amplificateurs. Parfois, les professeurs sont involontairement, à la base d’un déclenchement de harcèlement en stigmatisant un élève par rapport à d’autres qui s’en saisissent pour transformer l’étudiant en victime.

AV - Vous effectuez beaucoup d’avant-premières. Bientôt une autre dans les Vosges ?

Solange Cicurel - Oui, ce sera à Gérardmer dans le cadre des « Rencontres du cinéma de Gérardmer » (NDLR : programmation le mercredi 02 avril à 17 h au cinéma du Casino Joa,)

La réalisatrice en interview

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Une diffusion plus large attendue

Après son succès en Belgique, TKT poursuivra son chemin en France avec une sortie prévue fin 2025. Comme elle l’a précisé, Solange Cicurel va multiplier les projections-débats, convaincue que son film peut provoquer une prise de conscience salutaire.

Pour prolonger l’impact du film, une capsule vidéo de six minutes a été réalisée. Présentée à la fin des projections, elle revient sur les scènes clé du film et propose des pistes d’actions concrètes pour lutter contre le harcèlement. Cet outil pédagogique est destiné à être utilisé dans les établissements scolaires pour encourager le dialogue et la prévention.

En conclusion, TKT n'est pas qu'un simple film. C'est un outil de prévention, un cri d'alarme, mais aussi un message d'espoir. Un film qui rappelle à chacun que, face au harcèlement, il est encore possible d'agir. Grâce à lui, de nombreuses voix commencent à se faire entendre, et peut-être, un jour, cette prise de conscience collective permettra d’endiguer ce fléau qui touche tant d’adolescents.

Rédaction : Alain Reynders

Photos : Alain Reynders & Epinal fait son cinéma